L’assistance de l’avocat au cours de l’enquête en Côte d’Ivoire. La loi a vingt ans.

La loi prévoyant l’intervention de l’avocat au cours de l’enquête vient de clore ses vingt ans (Loi N°98-747 du 23 décembre 1998 modifiant et complétant le Code de procédure pénale). C’est surement un bel âge de maturité, suffisant pour permettre un retour d’expériences sur la réception de la loi par les premiers acteurs que sont les justiciables, les enquêteurs, les avocats et les magistrats. Bilan d’autant instructif qu’un règlement communautaire est venu réaffirmer le principe (Règlement N°05/CM/UEMOA relatif à l’harmonisation des règles régissant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA).

La loi ivoirienne prévoit le droit à l’assistance d’un avocat de façon assez originale : « Toute personne contre qui il existe des indices graves et concordants de participation à une infraction, ou qui en a été victime ou qui est appelée à apporter son concours à la manifestation de la vérité, peut, au cours des enquêtes, se faire assister d’un avocat. Toutefois, à titre exceptionnel, dans les localités où il n’existe pas d’avocat, la personne peut être autorisée à se faire assister d’un parent ou d’un ami ».

La loi précise le rôle de l’avocat : « L’assistance de l’avocat consiste en sa présence physique aux côtés de son client, à relever et à faire mentionner au procès-verbal toute irrégularité éventuelle qu’il estime de nature à préjudicier aux droits de son client. Lorsque l’avocat fait des observations, il signe le procès-verbal ».

Les mots de la loi sont globalement assez sobres. Mais, même dans une matière qui se prête habituellement au détail, on sait aussi combien la sobriété peut être d’un secours de souplesse. L’avocat trouvera dans cette casuistique-même le moyen de déployer un trésor de possibilités et d’imprimer sa marque personnelle et indélébile à l’enquête dans la perspective du procès équitable.

L’enquête préfigure l’audience pénale, et les questions que posera le juge ressembleront beaucoup à celles de l’enquêteur. La question est le premier matériau qui entre dans la « reconstitution » de la vérité judiciaire. En matière pénale, aucune question n’est inconsidérée ; chaque question s’inscrit dans le cadre du « chef d’accusation » dont elle vise à dégager les « éléments constitutifs ». Les enquêteurs vous confesseront aussi que les réponses apportées gracieusement par le prévenu très émotif aux questions qu’on ne lui a pas posées sont souvent encore plus parlantes.

La défense saura s’adapter à l’espace des salles d’audition, diamétralement opposé à celui des salles d’audience. La défense saura aussi œuvrer à l’équité de la procédure en préservant, autant que possible, la légitimité de l’enquêteur. Dans cet espace minimaliste, l’essentiel du talent de l’avocat se déploiera dans la subtilité, et parfois il ne sera pas nécessaire de parler pour défendre utilement.

Toute défense pénale étant à la recherche de la cohérence – cohérence du discours en lui-même (cohérence intrinsèque), cohérence du discours avec les actes et avec les autres discours (cohérence extrinsèque) –, la meilleure défense au cours de l’enquête sera celle qui saura se projeter le plus loin dans l’anticipation de l’audience pénale.

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